Depuis sa création en 1815, la distillerie Laphroaig, située sur l'île d'Islay (prononcé Aïe-là) produit un whisky évidemment unique. Le secret de son succès éternel ? Conserver - plutôt que diluer - la quintessence de la tourbe qui le distingue des autres. Même parmi les malts de l'île d'Islay, une île connue pour ses scotchs hautement tourbés.

Découvrons ce que cette distillerie a dans l'alambic.

La distillerie Laphroaig, sur Islay.

Laphroaig, un projet pas si fumeux !

Commençons par Barry MacAffer. Barry est le directeur de la distillerie depuis 2022, mais sa famille est associée à la distillerie depuis déjà trois générations. Outre cette longévité dynastique, explique-t-il, l'ADN de Laphroaig provient avant tout du fumage de l'orge. Un fumage lent et sec, pour infuser les arômes de tourbe avant que l'orge ne soit séché. « Nous brûlons la tourbe à une température relativement basse - il n'y a pas de chaleur dans le feu. Une fois le grain malté, nous l'étendons sur un treillis et l'élevons à 16 pieds (environ 5m) au-dessus du feu. Il faut dix à douze heures pour qu'il sèche, et plus l'orge reste humide, plus elle absorbe d'arômes ».

Selon Barry, 90 % de la production du whisky Laphroaig est vendue dans le monde entier sous forme de single malt, plutôt qu'en blend, comme c'était autrefois le cas pour les whiskies de l'île d'Islay.

Dès les années 1920, la marque commercialisait déjà sa propre identité de single malt, au lieu de se conformer à la dimension commerciale des blends de l'époque. Les autres distilleries de l'île s'y sont mises beaucoup plus tard. Depuis, Laphroaig figure régulièrement parmi les dix meilleures ventes mondiales de single malts écossais.

Psychologie inversée

Au Royaume-Uni, la notoriété de la marque a été favorisée par des campagnes publicitaires accrocheuses, qui mettent l'accent sur son caractère unique. Ils n'ont jamais hésité à dire que Laphroaig, ce ne sera peut-être pas votre tasse de scotch.

Ils en ont même fait un point fort. Des vidéos telles que « Opinions Welcome » et « You'll Always Remember Your First Laphroaig » ne prétendent certainement pas à faire l'unanimité.

Non mais sérieusement. Quel autre produit se risquerait à se vendre avec des commentaires tels que : « ça sent les mocassins trempés », ou « ça ne va pas, ils l'ont fumé trop longtemps » ?

Et pourtant, les « oui » - qui ont tendance à être les plus jeunes et les plus aventureux - l'emportent sur les « non » ! Ils sont suffisamment nombreux, en tout cas, pour que Laphroaig soit de loin le single malt de l'île d'Islay le plus vendu. Comme d'autres distilleries d'Islay, Laphroaig a commencé sa vie comme une entreprise à petite échelle. Elle fut développée par des agriculteurs locaux, en l'occurrence les frères Donald et Sandy Johnston.

Et tourbe pour un ! (donc travail pour tous)

Au début du XIXe siècle, la distillation illégale et la contrebande sévissaient sur l'île d'Islay. C'est tout naturellement que cette tradition anarchique a évolué vers une structure plus commerciale, au fur et à mesure que le trésor public en prenait acte et que les agents du fisc s'en emparaient.

Laphroaig est restée dans la famille Johnston pendant près de 140 ans et les bâtiments d'origine subsistent encore aujourd'hui. Une importante communauté englobant les employés de la distillerie et leurs familles s'est développée autour d'elle. Les distilleries, qui nécessitaient alors beaucoup plus de main-d'œuvre qu'aujourd'hui, offraient des emplois et un certain degré de sécurité, alors qu'Islay subissait une perte massive de population en raison des défrichements et de l'émigration au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.

La plupart d'entre eux partirent au Canada. Il existe d'ailleurs des vestiges d'un établissement appelé Laphroaig dans le sud-ouest de l'Ontario.

Alfred Barnard, Aficionado numéro uno

Dans les années 1880, lorsqu'Alfred Barnard, intrépide chroniqueur britannique, se rendit dans la paroisse de Kildalton, dans le sud-est d'Islay, il trouvait que Laphroaig ressemblait de loin « à un amas de ruines. Mais en y regardant de plus près, nous avons découvert qu'il s'agissait d'une distillerie d'un type très ancien ». Il est « personnellement reçu par le propriétaire, M. Johnston » et confirme rapidement que Laphroaig produit un whisky « d'un caractère exceptionnel, avec une saveur particulière de tourbe ».

M. Barnard poursuit : « Bien que la distillerie soit de petite taille, les propriétaires n'essaieraient pas de modifier les dispositions actuelles, car le caractère du whisky risquerait alors d'être complètement perdu. La distillation du whisky est grandement facilitée par des circonstances qui ne peuvent être expliquées. Même les distillateurs les plus expérimentés sont incapables de changer son caractère, qui est largement influencé par des accidents de lieu, d'eau et de position.

« Il n'y a pas de meilleur exemple que celui de Lagavulin et de Laphroaig qui, bien que situés à une courte distance l'un de l'autre, produisent chacun un whisky d'un type distinct et varié ».

Fondée la même année que Laphro, Ardbeg complète le triangle d'or bien connu des distilleries de malt dans ce petit coin d'Islay. Chacune avec ses propres caractéristiques et toutes trois sont des entreprises florissantes. Aujourd'hui, elles ont toutes franchi le cap des 200 ans d'existence.

Bessie Williamson, une vision et un talent

Outre son goût unique, Laphroaig s'est distinguée au XXe siècle en étant la seule distillerie et la seule marque de whisky détenue et dirigée par une femme, la remarquable Bessie Williamson. Son histoire fera évidemment un très bon film. Elle inspirait un respect universel dans ce qui était alors le monde très masculin du whisky et a ouvert une voie que beaucoup d'autres femmes ont suivie depuis.

En 1934, elle et une amie partent en vacances sur l'île d'Islay. Bessie trouve l'endroit à son goût et prend un emploi temporaire de sténodactylographe à Laphroaig. Elle y restera finalement jusqu'à la fin de sa carrière.

Laphroaig appartenait alors à Ian Hunter. La pensée de Bessie était clairement alignée sur la sienne. Elle gravit les échelons et prend des responsabilités de plus en plus importantes.

Lorsque Ian Hunter fut victime d'une attaque cérébrale en 1938, elle devint en fait la directrice. Lorsqu'il mourut en 1954, il laissa la distillerie et sa maison à Miss Williamson, comme tout Islay la connaissait. Elle épousa un chanteur canadien originaire d'Islay, Wishart Campbell. Il est connu pour avoir été le premier à diffuser des émissions de radio à travers l'Atlantique.

Il y a quelques années, un petit livre publié au début des années 1960 par la fédération d'Islay de l'Institut rural des femmes écossaises a été découvert, avec un chapitre sur chacune des quatre paroisses de l'île. Le chapitre sur la paroisse de Kildalton a été écrit par « Mrs Wishart Campbell » et confirme son amour profond et sa connaissance de son île d'adoption.

L'inexorable marche en avant

Dans ce bouquin, Bessie évoque Laphroaig : « Les cottages des ouvriers sont propres et modernes. Il y a même une salle communautaire attenante au bureau, où l'on organise des soirées dansantes. »

Mais l'augmentation - nécessaire - de la production exigeant de nouveaux investissements et de l'espace, cette époque était destinée à prendre fin. Les méthodes modernes de distillation elles, nécessiteraient moins de main-d'œuvre. Bessie Williamson a donc cherché le propriétaire le mieux placé pour maintenir la philosophie de Laphroaig.

À partir de 1962, Seager Evans - propriétaire du whisky Long John racheta Laphroaig le temps d'une décennie, Bessie continuant à assumer ses fonctions de présidente et de directrice générale. La distillerie a bien prospéré et s'est développée à la suite de plusieurs changements de propriétaires.

Depuis 2014, elle fait partie de la famille des distilleries Suntory.

Deux siècles amènent inévitablement des changements pour survivre, mais la spécificité de Laphroaig est restée une constante qui jouit aujourd'hui d'une grande popularité dans le monde entier. Leur scotch est toujours aussi reconnaissable.

Les amis de Laphroaig

Les « Amis de Laphroaig », c'est la communauté des amateurs de Laphroaig à travers le monde. Pour en faire partie, rien de plus simple. Offrez-vous une bouteille et enregistrez les chiffres de son code-barres sur leur site internet ! Née en 1994, la communauté compte aujourd'hui plus de d'un demi-million de membres. Anecdotique ? Pas seulement. Afin de protéger le lieu, chaque ami de Laphoaig possède également sa petite parcelle de terre sur la propriété de la distillerie (pas de quoi y poser un transat non plus, mais vu la météo...)

Enfin proprio !

Tourbe ou tard, vous y viendrez vous aussi !

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